Joel Thorpe est responsable de programme pour les projets d'aide de World Vision Suisse et World Vision Allemagne dans le conflit syrien. Depuis la Jordanie World Vision coordonne les activités en Jordanie, en Syrie, en Turquie ainsi qu'au Liban et en Irak. La mission de ce jeune homme de 34 ans est de trouver de nouvelles possibilités pour venir en aide aux quatre millions de réfugiés syriens.


Photo de Joel Thorpe, responsable de programme pour les projets d'aide de World Vision Suisse et World Vision Allemagne dans le conflit syrien

Joel Thorpe est responsable de programme pour les projets d'aide de World Vision Suisse et World Vision Allemagne dans le conflit syrien.

Joel Thorpe, pourquoi une photo comme celle du petit Aylan, 3 ans, vous touche-t-elle autant ?
Après que cette photo a fait le tour du monde, nous avons ressenti un véritable élan de solidarité. Face à un afflux de réfugiés, on perd souvent de vue l'individu - jusqu'à ce qu'on nous rappelle que ce sont tous des gens comme vous et moi. Ils pourraient être nos voisins, nos amis. On nous rappelle que nous devons trouver une solution pour ces personnes.

A quoi ressemblerait une telle solution ?
D'un point de vue financier, il faudrait au moins 4,5 milliards de dollars pour permettre aux personnes concernées de vivre plus ou moins dignement dans leur situation actuelle. Mais le plus important serait un signe politique.

Il y a environ deux mois, le Programme alimentaire mondial de l'ONU s'est vu contraint de réduire considérablement l'attribution de bons alimentaires au Liban, étant donné qu'à peine 25 % des fonds d'aide nécessaires ont pu être obtenus. Dans quelle mesure cette réduction a-t-elle un impact sur le travail des ONG ?
Cela a surtout un grand effet psychologique. Les réfugiés syriens veulent absolument rentrer chez eux. Cela a toujours été leur objectif. Maintenant, ils commencent à perdre espoir. Après presque cinq ans de guerre, sans perspective de solution politique, ils ne se sentent pas pris au sérieux par la communauté internationale. Les bombardements de barils se multiplient, touchant les hôpitaux, les écoles et les marchés. Nombreux sont ceux qui ne vivent plus que d'économies, soutenus par les biens de secours des ONG. Avec la réduction du budget du PAM, beaucoup ne voient tout simplement plus d'espoir pour eux et leurs familles de joindre les deux bouts.

Est-ce aussi la raison de l'afflux actuel de réfugiés en Europe ?
La perte d'espoir, oui. Les gens essaient par tous les moyens de s'en sortir d'une manière ou d'une autre. Les jeunes filles sont mariées afin de pouvoir vivre avec des familles qui peuvent subvenir à leurs besoins. Les fils partent travailler dès leur plus jeune âge afin d'avoir un peu d'argent pour subvenir aux besoins de la famille. En ce moment, tout est vraiment mieux pour les gens que leur situation actuelle.

Qu'est-ce que cela signifie pour tous ces enfants ? Nous parlons d'une génération perdue.
La moitié des réfugiés, soit plus de 2,1 millions, sont des enfants. Des millions d'autres enfants sont eux-mêmes touchés en Syrie. Les plus jeunes ne peuvent parfois même plus se souvenir d'une vie sans guerre. Les pays voisins qui accueillent les réfugiés sont très généreux et essaient de donner accès à des choses élémentaires comme l'éducation scolaire. Mais imaginez - une personne sur quatre au Liban est un réfugié syrien. Les pays voisins sont désormais eux aussi débordés et ont besoin de soutien.