De Gaza au Zimbabwe en passant par la Somalie, le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde et potentiellement affamées continue d'augmenter à un rythme effréné, sans qu'aucune fin ne soit en vue. Le rapport des Nations Unies sur la faim dans le monde, publié à l'été 2024, devient concret et décrit que près de 733 millions de personnes ont souffert de la faim aux dernières nouvelles, ce qui signifie que la faim dans le monde a continué d'augmenter. Conséquence : les ONG se focalisent actuellement, et une fois de plus, sur la "lutte contre la faim". Une question que j'entends souvent dans ce contexte : est-ce que cela vaut vraiment la peine de faire des dons "contre la faim" ?
La faim, un thème récurrent
Cette question est accompagnée soit d'un haussement d'épaules résigné, soit d'un haussement de sourcils accusateur. Je comprends l'arrière-plan de la question et sa connotation : si l'on jette un coup d'œil aux reportages des médias, la pénurie semble ne jamais prendre fin dans tant d'endroits du monde. La faim semble être devenue un thème récurrent - dont on peut parfois se lasser. De plus, il existe de nombreuses organisations qui veulent manifestement s'attaquer à ce problème. Si l'on voulait traduire les haussements d'épaules et les sourcils levés en questions, on pourrait dire celles-ci : Pourquoi ne parvenons-nous pas, malgré des millions d'efforts, à trouver une solution au problème mondial de la faim ? Et s'il n'y a pas de solution, pourquoi faire des dons pour cette cause ?
Mais quand les crises alimentaires se produisent-elles ? Un coup d'œil sur l'histoire (récente) le montre : La faim est souvent la conséquence de guerres et d'expulsions, de l'avancée du changement climatique ou de la pression économique. Bref, le fait qu'au 21e siècle, près de 733 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde, que près de 5 millions d'enfants en bas âge meurent chaque année de malnutrition, est en fin de compte surtout imputable à nous-mêmes. Et à notre besoin de nous élever au-dessus de tant de choses et de tant de gens, malgré les dommages collatéraux.
Un triste evergreen
Mais la probabilité que l'homme change pour que les structures s'améliorent à leur tour est, pour être optimiste, de l'ordre du pour mille. La citation "L'homme est un loup pour l'homme" résume bien la situation. On l'attribue volontiers au philosophe Thomas Hobbes, mais on peut aussi la trouver bien avant et chez d'autres esprits du temps : chez Plaute, Pline l'Ancien, Rabelais, Montaigne... Tous décrivent en prose, en poésie ou dans des traités philosophiques que les hommes sont capables du pire entre eux. Ce thème est un triste evergreen.
Cependant, il est également remarquable que la citation soit presque toujours abrégée. Car la contrepartie, souvent oubliée, dit que "l'homme est [aussi] un dieu pour l'homme". Cela n'est pas lié à un contexte chrétien, mais traduit à notre époque séculière, cela signifie que l'homme est capable, en plus du pire, de faire le bien, de faire preuve de solidarité et d'amour. Cette dualité décrit l'ambivalence qui nous est propre et que nous porterons sans doute toujours en nous, en tant qu'entité et en regardant notre histoire.
Même si nous ne changerons pas la nature humaine, nous pouvons reconnaître que nous sommes ce que nous sommes. Et nous pouvons et devons donc partir du principe que l'opposition fera toujours partie de notre réalité - tout comme la cohabitation. La question de savoir quelle partie doit et peut prévaloir dans notre propre vie reste une question individuelle.
L'utilité des dons
Et c'est là que je fais le lien avec le sens des dons. Un exemple personnel : Le moment où nous vivons, où et comment, est souvent dû au hasard de notre naissance. Et même si l'Afrique, par exemple, abrite à mes yeux les plus beaux spectacles naturels du monde, je suis plus qu'heureuse que mes enfants ne soient pas nés dans les mondes en guerre du Soudan ou dans les communautés affamées de la République centrafricaine, mais dans la tranquillité rassurante du 21e siècle d'Europe centrale. Je me rends compte de ce privilège chaque fois que je demande à mes enfants s'ils veulent manger quelque chose. Lorsque je peux faire soigner mon fils par un spécialiste pour son asthme. Lorsque j'envoie ma fille sur le chemin de l'école le matin sans aucun souci.
Maintenant, je n'ai pas mauvaise conscience de l'avoir. Mais à mes yeux, il est tout à fait logique de prendre conscience de temps en temps de ce hasard. Et, si l'on en a la capacité financière, par exemple par un don, de transmettre un peu de ce vrai bonheur de vivre. Je suis conscient que cela ne résoudra pas nos problèmes complexes, car aucun don au monde ne nous rendra "meilleurs" en somme. Et que c'est surtout au niveau politique que nous sommes appelés à établir la durabilité. Mais si, en tant que mère, je peux aider une autre mère moins privilégiée à empêcher son enfant de mourir de faim, je ne vois pas, avec la meilleure volonté du monde, pourquoi je ne le ferais pas.