Reto Gerber est enthousiasmé par Khaikhera. Les habitants ont d'ores et déjà franchi le pas vers l'autonomie.
Le temps passé en Inde touche lentement à sa fin. Alors que nous avons été confrontés à beaucoup de souffrance à Delhi, nous avons pu assister à un petit miracle dans la zone rurale du projet Aparajita, où nous avons passé la deuxième moitié de notre voyage. Aparajita se trouve au sud de la ville de Lalitpur dans l'État d'Uttar Pradesh. Cette région isolée fait partie des zones les plus pauvres de l'Inde. World Vision Suisse soutient le projet depuis 16 ans déjà. Et c'est vraiment étonnant de voir ce que notre travail y a apporté.
Dès l'arrivée dans le village de Khaikhera, on remarque qu'un vent différent souffle ici : un vent nouveau et frais. L'air est pur, il n'y a pas d'odeur, c'est relativement propre et bien rangé et : chacun des quelque 80 ménages a ses propres toilettes ! Cela peut paraître banal au premier abord, mais la classe sociale inférieure de l'Inde n'a généralement pas d'autre choix que de faire ses besoins derrière les buissons. A Khaikhera, personne ne doit plus avoir cette idée et si quelqu'un devait tout de même retomber dans l'ancien schéma, la commune lui rappellerait les nouvelles normes d'hygiène en lui infligeant une grosse amende.
L'hygiène est également une priorité en ce qui concerne l'eau. L'eau potable est la solution à de nombreux problèmes. En effet, à quoi sert par exemple une alimentation saine et équilibrée pour lutter contre la malnutrition si les enfants ont constamment la diarrhée à cause d'une eau contaminée ? Heureusement, les habitants n'ont plus à se poser cette question. Tous ont désormais accès à l'eau potable et beaucoup ont un puits dans leur jardin, où ils cultivent toutes sortes de légumes et de fruits. Ici, personne n'est riche, mais il fait bon vivre.
Lors des entretiens personnels avec les villageois, j'ai une fois de plus réalisé à quel point le succès de notre travail dépend de l'engagement et de l'initiative personnelle de la communauté. Il n'est pas si facile pour les personnes issues des castes les plus basses, qui n'ont guère d'estime de soi et ne savent ni lire ni écrire, de se faire leur propre opinion et de l'exprimer. Or, c'est précisément ce qui est essentiel pour pouvoir prendre son destin en main. World Vision Suisse aide les gens à s'aider eux-mêmes. L'autonomie nécessaire pour sortir de la pauvreté et s'engager sur la voie d'une vie digne. Pour cela, il faut du temps - c'est aussi la raison pour laquelle nous restons en général 15 à 20 ans dans une région de projet. Nous nous assurons ainsi que la communauté pourra poursuivre son chemin à l'avenir, même sans notre aide.
Nous n'avons pas à nous inquiéter de l'autonomie des habitants de Khaikhera. Ils prennent déjà l'initiative de construire de leur propre chef des salles de douche pour leurs femmes et leurs enfants à côté des toilettes, afin qu'ils ne soient pas obligés de se laver à la vue de tous. Ils obtiennent des autorités la construction d'une école primaire pour laquelle ils cèdent leur propre terrain. Ils ont appris à se faire leur propre opinion et à la défendre. Ils réfléchissent, s'intéressent et veulent apprendre : pourquoi la Suisse est si riche, comment fonctionne notre système politique, ce qui fait le succès de notre pays. Ils veulent savoir ce que les agriculteurs cultivent chez nous, comment ils génèrent des revenus. Nous rions ensemble, comme si nous nous connaissions depuis longtemps. Je ne pourrais pas imaginer un plus bel adieu à l'Inde et nous sommes tous d'accord : c'est vraiment un village modèle, un point culminant des fruits de notre travail quotidien, que nous pouvons accomplir grâce à quelque 70 000 donateurs.


